mercredi 31 janvier 2007

Bechalah - Quand la route se referme...devant la mer

Ca y est !

On est enfin sorti d'Egypte. Après certes un petit coup de main de notre Dieu tout puissant, nous voilà partis.
Mais, évidemment, tout ne peut pas être rose, il y a un hic. On se retrouve devant la mer, et personne n'a pensé ni au bateau, ni à l'équipage ni à Isaac le barman (de la Croisière s'amuse...).

On est dans le cas typique d'un monde non parfait, dans lequel l'emmerdement est maximum: situation qui, vous en conviendrez, arrive relativement souvent...

Et puis, voyons ce que dit le dernier Rabbi de Loubavitch au sujet de cet épisode de la mer.

D'abord, le Midrach raconte quelque chose que vous pouvez retrouver dans tous les bons livrets d'office de mouvements de jeunesse: Il y avait 4 groupes, représentant 4 opinions différentes sur la stratégie à adopter. En gros, voilà ce que ça donne:
1) Allons nous noyer dans la mer, au moins ils ne nous auront pas...
2) C'était bien tenté, mais là il n'y a pas trop le choix, il faut continuer à vivre et donc rentrer en Egypte.
3) On a pas fait tout ça pour rien: Battons-nous !
4) Tournons nous vers D-ieu et prions mes frères.

Alors, vous auriez choisi quoi ? Moïse réfute les 4 options. Regardons dans le texte. Il dit la chose suivante: "Moïse répondit au peuple: Ne craignez rien, restez en place, et regardez la délivrance que l'Éternel va vous accorder en ce jour; car les Égyptiens que vous voyez aujourd'hui, vous ne les verrez plus jamais.L'Éternel combattra pour vous; et vous, gardez le silence."

Dans sa phrase, il répond à chacun des groupes. Il a une réponse adaptée à chacun des groupes.

Aux 1) qui voulaient se noyer:"Ne craignez rien, restez en place, et regardez la délivrance que l'Éternel va vous accorder en ce jour"

Aux 2) qui voulaient retourner en Egypte:"car les Égyptiens que vous voyez aujourd'hui, vous ne les verrez plus jamais"

Aux 3) qui voulaient se battre:"L'Éternel combattra pour vous"

Aux 4) qui voulaient prier:"et vous, gardez le silence." (comme ça c'est clair...).

Ce que répond D-ieu, c'est: "Pourquoi ils chipotent ? Parle leur et qu'ils avancent !"

Le Rabbi de Loubavitch interprète ces 4 réponses comme des réponses à des attitudes parfois tout à fait louables. Celui qui veut se noyer, c'est en fait celui qui veut se plonger dans la Thora (la Thora étant comparée à l'eau), dans les études talmudiques, et refuser d'affronter ce monde. C'est celui qui veut se couper du monde matériel et "s'immerger" dans le monde spirituel, beaucoup plus cohérent et accueillant...

Celui qui veut retourner en Egypte comprend qu'il ne peut pas échapper au monde matériel et qu'il faut assumer de vivre dans un monde violent et injuste. Mais il essaie de limiter les dégâts en se soumettant à la loi du plus fort et en essayant de diffuser l'éthique juive au sein des nations.

Celui qui veut se battre refuse cette aliénation. Il pense qu'il y a quelque chose à faire pour changer le monde. C'est le militant par excellence, il descend dans la rue, met au point des opérations commandos pour faire triompher la justice et l'idéal juif.

Celui qui veut prier, est conscient de la réalité de ce monde, mais il sait qu'une force supérieure et spirituel existe. Il veut aussi changer le monde, mais à sa manière. En priant. En étudiant. C'est un non-violent. Et en bon Hassid, il est convaincu qu'une prière, même basique, dite du fond du coeur, peut changer le monde plus profondément que de grandes manifestations.

Chacune de ses attitudes est légitime et valable. Elle peut avoir sa place dans un contexte bien précis. Mais avant toute chose, ce qu'il faut avoir en tête, c'est qu'il faut avancer. "VeIsaou": et ils avanceront.Bien sûr qu'il faut conserver la spiritualité juive en s'y immergeant.Bien sûr qu'il faut aussi être une lumière pour les nations.Bien sûr qu'il faut se battre pour affirmer notre spécificité.Bien sûr qu'il faut prier.Mais toutes ces démarches ne sont valables que si l'objectif est bien défini: il faut avancer (les Loubavitchs diraient: vers la venue du Machiah !).

Retourner en Egypte pour créer un statu-quo, ça c'est anti-juif. Se battre pour l'honneur sans voir ce qu'il y a après, c'est aussi anti-juif. Pareil pour ceux qui se réfugient dans l'étude ou qui prient à longueur de journée sans réfléchir à l'objectif de leurs actes. Certains penseurs identifient ces 4 groupes à ce qu'on peut trouver au sein du peuple juif: des religieux qui étudient dans les shtetl, des universalistes, des sionistes, des hassidim illuminés...Chacun a sa pierre à apporter, mais seulement s'il a conscience qu'il doit avancer vers un objectif bien défini.

Au sein de la communauté juive française, et du monde juif de façon plus générale, c'est évidemment pareil. On n'a pas tous la même façon d'aborder l'éducation juive, notre relation au judaïsme, à Israël.

Mais ce que dit notre Paracha, c'est que notre perception n'est valable que si l'on est convaincu qu'elle va faire avancer les choses.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup ce drash du Rabbi, et ta façon de la rapporter. Merci vraiment !

Geoulah et délivrance a dit…

BS"D

>> des religieux qui étudient dans
>> les shtetl, des universalistes,
>> des sionistes, des hassidim
>> illuminés...Chacun a sa pierre
>> à apporter

Je crois que le regard que le Rabbi portait aux sionistes était beaucoup plus sèvere. Voir cette Si'hah en hébreu: http://www.chabadlibrary.org/books/default.aspx?furl=/admur/tm/14/16/

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup ce dvar Torah.

En voici un autre sur Bechalah : http://www.torah-box.com/chavoua-tov/bechalah-5771,56.php